J’ai visité la grotte de Lascaux 4. Et en découvrant tous ces visuels, une question s’est imposée : Lascaux serait-il une forme de street-art de la préhistoire ?
A contrario, le street-art actuel pourrait-il être qualifié d’art pariétal contemporain ?
Nous voici en plein anachronisme. Mais je me suis amusée à rapprocher ces deux périodes artistiques.
Balayons ensemble 5 points communs à ces pratiques artistiques :
- Avec le rapport entre le support et la création
- L’acquisition de techniques, parfois complexes, parfois personnelles
- L’interprétation personnelle et donc l’élévation au rang d’art de ces créations
- Le partage d’un espace commun
- L’usage de symboles inconnus
1 – Utiliser le support dans la création
Le street art et l’art pariétal sont par essence des œuvres in situ. L’environnement immédiat ou le support s’intègrent à l’œuvre par l’artiste.
2 – Des techniques artistiques personnelles acquises
Les techniques sont très nombreuses. En effet, les artistes imaginent de nombreuses manières de s’exprimer.
Pour l’art préhistorique, malgré les ressemblances apparentes, les techniques utilisées pour un même résultat sont variables. Par exemple, le noir présent dans les dessins est parfois créé à partir de charbon ou bien par broyage de pierres ou terres noires. Autrement dit pour une même problématique, deux solutions ont été trouvées.
Le street art est tellement divers que le terme devient fourre-tout (peinture à la bombe, sur pochoir, collage, technologique, clean tag etc).
Il mêle art pictural dans la rue, et notion de partage via les réseaux sociaux. Il devient international.
Et pourtant il demeure ancré dans le local, il peut porter la trace de guerre de territoire.
Dans tous les cas, ces œuvres sont personnelles, avant d’appartenir à un courant.
3 – De l’art, assurément
Certains refusent de qualifier l’art pariétal ou le street art, d’art à part entière.
Il fallut des heures et des heures d’apprentissage à ces personnes pour acquérir leur technique.
Les personnes capables de représenter avec exactitude les animaux dans des grottes ne se sont pas improvisées artistes. Elles ont passé de longs moments à observer ces animaux, à les représenter sur des supports brouillons. Elles sont devenues capables de les reproduire sans modèle.
A ce titre, le cheval de Lascaux a été interviewé sur France Inter à l’émission Bav{art]dages.
4 – Partager l’espace de création
Les représentations pariétales étaient parfois recouvertes par d’autres, sans que l’on sache si ces superpositions étaient réalisées à quelques semaines d’intervalle, des décennies ou plus.
Dans le street art, on voit bien certains murs recouverts d’une multitude de traces en tout genre, figurant les traces laissées par de nombreux artistes. Des espaces, tels que le Five Pointz (aujourd’hui disparu), deviennent des lieux de regroupement des artistes.
5 – Des symboles inconnus
Il faut être honnête : parfois on ne comprends pas certains symboles laissés par les artistes. Pour l’art pariétal, c’est en particulier le cas des symboles géographiques laissés par endroits.
Pour le street art, il serait vain de dresser la liste de tous les symboles incompris, ils sont innombrables.
Alors en conclusion, nous ne sommes vraiment pas loin du street-art de la préhistoire.
Prolongation : BD et préhistoire
Cette plongée dans la préhistoire m’a orienté dans des lectures de bandes-dessinées ciblées :
- La série ‘Silex and the city’, dessinée par Jul, aux éditions Dargaud. Nous voilà plongé à des millénaires en arrière : avec humour, jeux de mots et nombreux clins d’oeil à notre société, nous nous suivons une famille d’homo sapiens ordinaires. L’actualité est présente, mais nous la regardons avec une distance, qui nous permet de mieux l’appréhender. J’ai adoré, et j’espère qu’il y aura une suite.
- La BD ‘Rupestre !’. Il s’agit d’un album collaboratif. Des dessinateurs du 21ème siècle partent à la rencontre de leurs homologues préhistoriques. Les traits et les dessins se parlent et nous en apprennent beaucoup sur l’art pariétal, mais aussi sur l’essence même du dessin.
Pour compléter la lecture de cet article, je t’invite à approfondir le sujet :
- Viens faire un tour au Five Pointz de New York en 2012
- Découvre le land art, le street-art des nouvelles technologies, les reverses tag ou le street art végétal.
- Le site officiel de Lascaux : une visite sur place te permettra certainement de te poser la question de cette pratique du street-art de la préhistoire.
J’aime beaucoup cette expression d' »art pariétal contemporain » pour définir le street art 😀
Oui, si on en reste à la sémantique, ça fonctionne, puisque ‘pariétal’ signifie ‘sur les parois, sur les murs’. Et cela implique diverses similitudes entre les arts pariétaux préhistoriques et contemporains 🙂
Bonjour, je suis très heureux de voir que le parallèle est fait entre ces deux époques car c’est tout à fait l’esprit dans lequel j’aborde les peintures que je réalise le plus souvent dans des carrières. Laisser une empreinte dans des lieux abandonnés et parfois isolés, voir les effets du temps et de la nature sur ces créations. Merci pour votre article!
http://facecachee.over-blog.fr/album-1679067.html
Merci à vous Philippe, pour votre message. Et bravo pour vos réalisations, je trouve que la précarité dans le choix des lieux apporte une fragilité dans vos oeuvres.
Bravo pour votre sujet!
je suis prof en Arts plastiques et appliqués, je suis en train de préparer un cours sur cette parallèle convergente! Très clair et très bien illustré.
Merci
Merci Sophie. Et bonne réussite pour ce cours.